Béatrice Bonhomme, Murmurations des oiseaux (Éditions La rumeur libre, mars 2025, 140p.)
Autant commencer par là : j’ai eu du bonheur à lire le dernier livre de poèmes de Béatrice Bonhomme (Prix Léopold Sédar Senghor, 2016, Prix Vénus Khoury-Ghata, 2019, Prix Mallarmé, 2023), Murmurations des oiseaux. Le titre retient déjà l’oreille, pourrais-je dire, qui nous enveloppe dans l’intimité d’un nid chaud. Ils sont là les oiseaux, dans une douceur réconfortante. Un recueil très construit réparti en douze chapitres où les thèmes de l’écriture, au milieu de la nature et de ce qui la compose, et l’enfance, prédominent.
L’écriture justement de Béatrice Bonhomme recèle quelque chose de la terre, ou plutôt, c’est comme une écriture de la terre avec l’ordinaire des jours et sa merveille :
J’écris ce qui nous traverse / Ce qui s’inscrit sur les feuillages / Ce qui s’écrit avec les gouttes de pluie /Avec les miettes de pain / Sur les tables des dimanches.
Avec ces oiseaux toujours là, comme une seconde peau de cette écriture, du poème, compagnons des arbres :
Le pinson des arbres, passereau, il passe, et où vivent les oiseaux ?/ Dans d’autres arbres de silence ?
Et l’enfant, l’enfance qui s’y mêle donne à la poète à définir ce mot de « murmuration » :
J’appelle murmuration / Cette danse que l’enfant donne au monde / Avec son corps de lumière.
Ce corps de lumière qui, par parenthèse en quelque sorte, est aussi celui que les grands mystiques traduisent comme celui que nous aurions après la mort.
Écrire et vivre légèrement, parler à peine, susurrer comme les oiseaux : Nous voudrions murmurer en vols d’oiseaux / Aller et venir, changer de cap. Oiseaux qui toutefois se raréfient, comme tant d’insectes et autres éléments que la terre et le ciel nous ont donné. Je ne puis à chaque fois m’empêcher de penser à Rachel Carson, cette biologiste américaine, à son « Printemps silencieux » paru en 1962. Il y a justement dans Murmurations des oiseaux, ces hirondelles qui ne sont pas revenues, ces oiseaux qui ne peuvent plus bâtir leurs nids, comme c’est le cas aussi depuis que nous avons amplifié la construction de tours de béton ou de verre, planes, sans recoins pour les oiseaux, et qui nient la beauté.
Avec le chapitre « L’ENFANT DE SEPT ANS », nous pensons bien sûr à Rimbaud, même si c’est différent ici. L’enfant, les animaux, le joli chat au nez rose, je le vois…le chat-fée magnifique expression.
Et l’arbre, les arbres, encore et toujours, toutes sortes d’arbres qui sont là, qui reviennent ici et là. Assise… n’est pas oubliée : Les arbres sont les arbres d’Assise / Les frères de François.
Un régal encore le chapitre « MOTS D’ENFANCE » : mots sages (…) fringués en prêt-à-parler. Ah ! ce conformisme, ces cerveaux qu’on formate, ce langage calibré qui nous cerne de tous côtés.
Béatrice Bonhomme nous dit écrire de nulle part et d’ailleurs / Et d’ici et de partout. N’est-ce pas au fond ce que ressentent les poètes en prenant la plume ? Et pourtant… son écriture est ancrée sur terre et dans le ciel : J’écris un corps charrué / de vent et de neige (…) J’écris un corps ouvert / Un corps pluriel.Terre et ciel se regardent dans l’écriture, dans les mains de l’auteure. Avec le désir lancinant d’être oiseau, coccinelle, vent et montagne, d’être folle comme une herbe. De n’être au fond que frais matin, air bleu qui se respire. Rilke n’est pas loin avec sa huitième « Élégie de Duino » : « Tout ici est distance, et là-bas tout était souffle et respiration ». Et Béatrice Bonhomme écrit lorsqu’il est question de « L’Arbre-Enfant » : Il faudrait n’être jamais séparé, toujours être arbre et ciel, avec ses sept ans.
Et tout cela ne saurait être sans amour, l’amour que rien ne remplace : J’écris l’histoire de l’amour/ Quand on croit encore à l’amour. Murmurations des oiseaux est un livre au charme poétique, rythmé, dont on ressort apaisé avec tous les corps de la terre, qui sont comme une ronde de paix, en dépit des tiraillements et des blessures de la vie : Ainsi commence mon récit merveilleux / D’homme-femme ou de femme-homme / Ayant tous les corps dans leur corps / Plus aucune frontière / De leur corps minéral, végétal, animal / De leur corps d’homme et de légende.
Marie Botturi
