Cette semaine, notre rédaction met l’accent sur la poésie. Grégory Rateau, son rédacteur en chef est allé à la rencontre de Linda Maria Baros, une prolifique poétesse franco-roumaine. Egalement traductrice et éditrice, Linda est lauréate et secrétaire générale du prestigieux Prix Apollinaire, rapporteur général de l’Académie Mallarmé et vice-présidente du PEN Club français. Née en 1981 à Bucarest, Docteur en littérature comparée à la Sorbonne, elle vit aujourd’hui à Paris où elle a déjà publié 7 recueils de poèmes (traduits et publiés dans 41 pays), dont La nageuse désossée. Légendes métropolitaines (éditions Le Castor Astral).
Grégory Rateau : Vous êtes née en Roumanie et vous écrivez aujourd’hui tous vos recueils en français. Vous traduisez même des ouvrages du roumain au français. Pouvez-vous nous raconter le moment du basculement, de ce passage d’une langue à l’autre ?
Linda Maria Baros : Je suis – je l’ai dit de nombreuses fois – une poète bicéphale. Un auteur est beaucoup plus libre quand il peut puiser son énergie créatrice dans deux langues et dans deux imaginaires littéraires à la fois. Devenir un auteur francophone c’est, en définitive, prendre conscience de cette liberté et la revêtir comme l’on revêt une nouvelle peau.
Comment percevez-vous, avec le recul, votre pays d’origine ? Avez-vous été confrontée à des a priori, des clichés véhiculés sur la Roumanie, mais surtout sur les Roumains ? Comment avez-vous réagi ?
Dans les milieux littéraires parisiens, cosmopolites par excellence, il n’y a pas de place pour des stéréotypes ethniques mal intentionnés. Dans ces sphères, évoquer la Roumanie, c’est surtout parler de Tzara, Eliade, Ionesco, Cioran, Fondane, Voronca et Brancusi. Mais il arrive également qu’on me pose des questions sur le passé amplement tragique de la Roumanie et sur le devoir de mémoire. Cela s’inscrit dans l’ordre des choses, compte tenu du fait que je suis vice-présidente du PEN Club français.
Vous êtes aussi éditrice, vous siégez au secrétariat de prix importants, vous avez vous-même été couronnée du Prix Apollinaire, le plus prestigieux en France consacré à la poésie. Pensez-vous qu’il existe encore une vraie vitalité de la poésie et, si oui, quel est son public ?
La vie poétique française est, par excellence, effervescente. À mes yeux, elle ressemble à un vortex : je reçois tous les jours un nombre incalculable de recueils pour le Prix Apollinaire et pour le Prix Mallarmé ainsi qu’un nombre toujours incalculable d’invitations à des manifestations poétiques. Une déferlante qui arrive autant par courriel que par la poste. La poésie française est donc bel et bien pleine de vitalité. Je dirais même qu’elle est plus vivante que jamais, comme en témoigne la nouvelle vague poétique qui est en train de se cristalliser. Une nouvelle génération qui devrait être à même – je l’ai déjà écrit dans une lettre ouverte[1] parue en juin 2022, à l’occasion du Marché de la Poésie – de donner un nouveau visage stylistique et thématique à la poésie française et de la revaloriser, en égale mesure, sur la scène littéraire internationale. Pour ce qui est du public, oui, il existe, il est nombreux, il aime la poésie. Et cela malgré ce que peuvent en dire ceux qui n’ont su se défaire du mythe du poète maudit, éternellement incompris et seul.
Lire l’entretien sur LePetitJournal.com de Bucarest