Dans la Revue EUROPE du mois de mars 2025
Bourlingueur et poète, Grégory Rateau né en 1984, a quitté Clichy-sous-Bois pour parcourir le monde et exercer divers métiers. Il réside actuellement en Roumanie mais il est toujours en mouvement. Le pays incertain nous livre un autoportrait qui semble se couler dans plusieurs figures d’identification : Arthur Rimbaud, Antonin Artaud et surtout Jacques Prevel, maudit d’entre les maudits, dont Les poèmes mortels, comme ses autres recueils, ont été publiés à compte d’auteur. Prevel mourut à l’âge de 35 ans, dans une totale indifférence. Chez Rateau, à l’acmé de la révolte, on retrouve ce même sentiment de déréliction mais avec l’ardeur d’un exclu social, fugueur haïssant le conditionnement par la famille et le travail, qui ne se laisse ni museler, ni entraver. Si sa voix mime parfois le souffle rageur d’Une saison en enfer, sa singularité s’impose, avec feu et fougue.
Dans la première partie, intitulée La petite épopée, le fugueur, « semelles en partance », s’exclut lui-même originellement, comme « paria de naissance », et il dit sa « rancœur » contre un « monde rance », en écho aux cris de tous les suicidés de la société : « Vous vous acharnez à museler, ce qui en nous, est frère du divin. » Et, provocateur, il défie les puissants censeurs assis sur leurs certitudes : « De vos trônes empaillés, la flamme n’attend plus que l’étincelle pour exulter. »
En compagnie de Prevel, qui essayait de tenir « au centre du déluge », Rateau retient surtout du poète maudit la révolte des écrits qui survivent à « cette petite mort de rien ». Et lui-même, citant Rimbaud, s’adressant à tous les réfractaires, il « leur lègue à [son] tour / ce carnet de damné ». Filiation assumée…
Le Pays incertain (préface de Alain Roussel) à la Rumeur libre édition, 2024

Extrait de la note critique de Michel MÉNACHÉ disponible dans son intégralité dans le n°1151 de la Revue Europe.
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